Carte postale de Sandanski (Bulgarie, septembre 2010), par Aurélie Mandon
Publié le : 3 février 2012 à 13h28
J’atterris en Bulgarie pour une semaine, à Sandanski, ville balnéaire du sud-ouest. Motif officiel : photographier les ateliers d’un rassemblement de jeunes Européens, couvrir le festival de musique et tourner un clip pour le slameur LX.
Lors des réunions de groupe du matin, en cercle, il est évoqué l’idée de chanter un air symbole de lutte contre la pauvreté le dernier jour du festival. L’un de nous pose alors cette question : La pauvreté a-t-elle le même sens en Hongrie, en Turquie, en Bulgarie ? Un Français évoque la pauvreté à côté de chez soi et l’indifférence envers son prochain. Une Espagnole évoque les inégalités Nord-Sud. Un Roumain parle, lui, de pauvreté des opportunités. Pour les artistes, peu d’occasions, peu de contacts, pas d’argent et une mobilité limitée, des très riches qui deviennent de plus en plus riches et les autres qui s’appauvrissent, des traditions et des pressions familiales difficiles à gérer. Les envies d’un côté. Le manque d’opportunités de l’autre. Et une balance qui a du mal à s’équilibrer.
Stanoela est chanteuse. La journée, le casque sur les oreilles, elle répète sans relâche sa chanson du soir, travaille sa voix. La nuit tombée, bien après le spectacle, quand les groupes font la fête à l’étage supérieur, le hall vide devient sa scène, les lumières du dehors sont des petites flammes de briquet d’un public conquis. Elle refait un pas, répète son entrée, la façon dont elle va saluer. Elle a la voix claire et puissante, aime les chanteuses romantiques et généreuses en vocalises : « Mon rêve serait de devenir Mariah Carey ou Lara Fabian. Ici, le marché de la musique est fermé. Sorti de la chalga, point de salut. » Les USA la font rêver, mais comment obtenir un droit de séjour, comment survivre, où trouver des contacts ?
Je fais défiler mes photos prises dans la journée. Les regards sont remplis de rêves de musique, de photos, de films. Dans 10 ans, je retomberai peut-être sur ces images avec l’angoisse de cette question : que sont-ils devenus ? Ce soir encore, j’entends la voix de ma voisine de chambre et j’espère m’en souvenir, je fais le vœu qu’elle ne s'éteigne pas.